Comment ce phénomène se manifeste-t-il ? Quels en sont les impacts sur ceux qui le subissent, comment peuvent-ils s’en sortir ?…

La réalité du harcèlement moral au travail n’est pas contestée ; l’existence de pratiques délétères délibérées (menace, chantage, harcèlement), érigées en méthode de management pour pousser à l’erreur et permettre le licenciement pour faute ou déstabiliser et inciter à la démission, est désormais reconnue.

Le harcèlement au travail « contraint » le corps, il s’attaque aux gestes de travail, rendant leur exécution aléatoire, paradoxale, humiliante, jour après jour. La répétition des brimades, vexations et injonctions paradoxales devient une véritable effraction psychique, altère le rapport du sujet au réel et suspend tout travail durable de la pensée. Toute issue mentale ou comportementale est bloquée, le sujet ne peut plus penser ni agir. L’analyse de cette situation d’impasse décrite par les sujets harcelés met à jour leur isolement, leur décompensation inévitable dans cette situation et leur très fréquente somatisation.

Les entretiens avec les patients harcelés mettent en évidence que le harcèlement utilise un système de déstabilisation très précis reposant sur de véritables techniques : techniques relationnelles (le harceleur n’adresse plus la parole au sujet, ne communique avec lui que sous forme de notes, ne le regarde plus…), techniques d’attaques du geste du travail (on lui demande de saisir un rapport que l’on jette devant lui, d’exécuter des tâches impossibles, qui n’ont aucun sens, qui sont déjà faites…), techniques punitives (dès que le sujet, sous pression, commet une erreur, on fait un rapport pour faute…), ou des techniques d’isolement du sujet destinées à empêcher toute solidarité du groupe de travail avec le harcelé.

L’attaque récurrente de ses compétences, la mise systématique en situation de justification, le climat « persécutoire » qu’engendre la fréquence des avertissements deviennent des leviers traumatiques puissants. Le harcelé réagit par une hyper vigilance, un surinvestissement de la qualité de son travail. Cet activisme est défensif, le sujet se sent usé, humilié, abîmé, incompétent, et développe un syndrome de stress post-traumatique.